Je ne pouvais pas débuter ce blog autrement que par un hommage à ce documentaire magistral de Claude Lanzmann.
A tous ceux qui ont oublié, qui doutent, ou qui relativisent (je ne m'adresse pas aux négationnistes et autres raclures, de toutes façons irrécupérables...), je vous conseille vivement de regarder, une fois dans votre vie, ce poignant documentaire.
Il s'agit, sur près de 10 heures, d'un recueil de témoignages de rescapés, témoins ou bourreaux. C'est très éprouvant. Les séquences filmées sur les ruines des camps d'extermination prennent la place des images d'archives, volontairement écartées, et font le lien entre les différents récits.
Alternent ainsi de longues séquences dont les sons d'ambiance vont du silence aux gazouillis des oiseaux (faisant ressortir l'absence de l'humain), en passant par les bruits de trains, sinistres... aux témoignages, dignes, désespérés d'un côté, biaisés ou révulsants de l'autre.
Lanzmann mène les entretiens de main de maître, filmant en caméra parfois cachée certains anciens nazis, les laissant choisir leurs mots pour décrire la mécanique implacable des exterminations, dérouler leur sombres souvenirs, s'enferrer souvent dans des excuses ridicules.
Il donne également la parole aux témoins, acteurs plus ou moins complices, et victimes déchirantes, dont les "sonderkommandos" qui étaient des juifs contraints de manutentionner les corps entre la chambre à gaz, le four crématoire et... après. Parfois ceux de leurs proches...
Lanzmann (1925-2018) était un génie.
Maître des silences, permettant de pousser les anciens criminels à s'enfoncer dans des explications toujours plus pestilentielles. Mais capable également d'insister, gentiment mais fermement, de pousser les victimes dans leurs derniers retranchements, afin de recueillir leur témoignage pour l'éternité.
Magistral... et terrible.